Moins d’arbres, plus d’asphalte. C’est un peu le constat que je me fais au terme d’une quarantaine d’heures passées sur la transamazonienne, 10 ans après avoir effectué le même trajet. Autour de cette piste mythique, l’espace forestier a laissé la place à d’immenses pâturages où paissent tranquillement des bovins en semi-liberté. La forêt qui borde cette route n’est plus que l’ombre de ce qu’elle fut ; à peine une chimère sur l’horizon. Mêmes les scieries semblent tourner au ralenti, tout comme ces camions qui autrefois transportaient d’immenses arbres vers les marchands de bois mais qui semblent aujourd’hui se reconvertir dans le BTP ou le transport de bovins…
La piste rouge-sang, scandaleusement ouverte au temps de la dictature, est aujourd’hui assez largement recouverte par une croûte d’asphalte plutôt bien entretenue. Ce qui reste de la piste en latérite ne survivra probablement pas aux 10 prochaines années… Car à mesure où la forêt disparaît, qu’elle s’anthropise, c’est tout un front pionnier qui s’urbanise à une vitesse ahurissante. Les paysages qu’offrent la transamazonienne ne se distinguent plus vraiment des paysages banals du Brésil productiviste, celui que les géographes décrivent comme « la ferme du monde ». Les petits bourgs pittoresques peuplés de cow-boys et de carrioles sont devenus des petites villes qui pullulent de 4×4 flambants neufs.
Altamira, à peu près à mi-distance de Santarém et Marabá, est l’exemple le plus éloquent de cette profonde mutation. C’est aussi ici que s’invente le futur de l’Amazonie… Un avenir bien loin de la lutte des seringueiros de Chico Mendès et des belles promesses du sommet de la Terre de Rio de Janeiro (1992). Il y a encore quelques années, Altamira n’était pourtant qu’une bourgade sans intérêt perdue au milieu d’une forêt en train de perdre ses cheveux. C’est aujourd’hui la ville frustrée en plein boom où se concrétise la mégalomanie de la colonisation de l’Amazonie, avec tous les dégâts écologiques et humains qui vont de paire. Altamira, c’est en effet la ville qui sert de cité-dortoir aux ouvriers du barrage de Belo-Monte. C’est peut être le plus grand chantier en cours sur la planète et d’ores et déjà un désastre pour ce qui reste des peuples autochtones du Brésil (les Indiens représentent à peine 0,5 % de la population brésilienne). Au vu de l’intensité des travaux et la multiplication des projets urbanisation d’Altamira (shopping-center, cité universitaire, parc immobilier…), on peut craindre que l’immense campagne anti-barrage impulsée par le chef Raoni ne se transforme en un dernier baroud d’honneur.
Au bout de la transamazonienne se trouve la ville de Marabá. Que dire de cette ville si ce n’est que c’est franchement une idée à la con d’aller y passer ses vacances ?
En conclusion : mieux vaut prendre le bateau ! C’est nettement plus beau et dépaysant, pas beaucoup plus long, 2 fois moins cher, plus confortable et nettement plus sympathique !