Les Indiens d’Amazonie

Les Indiens d’Amazonie vivent dans une forêt diversifiée et de plus en plus urbanisée. Forêts denses et savanes s’y côtoient depuis des temps immémoriaux. Mais pour combien de temps encore ?

 

indiens-amazonie1Aujourd’hui, au Brésil, l’exploitation de ses ressources dessine une nouvelle frontière entre une partie Nord relativement préservée et une partie Sud qu’on a longtemps appelé « l’arc de la déforestation » et qui tend à se reconvertir en une gigantesque ferme.

Les productions d’hydrocarbures, de soja, de maïs et de coton inondent les marchés du monde entier et fondent la richesse de bien des spéculateurs.

Les premiers à souffrir de cet écocide sont les Indiens d’Amazonie, littéralement acculés par les prédations des grands groupes miniers (pétrole, gaz, or et autres minerais), de l’agro-business (élevages, soja, coton, maïs etc) et même par les tentations pharaoniques de l’État Fédéral Brésilien qui souhaite tirer profit des ressources hydroélectriques du bassin amazonien (le barrage de Belo-Monte sur le fleuve Xingu).

La faiblesse des communautés amérindiennes, qui ne représentent même pas 1 million d’individus dans tout le Brésil, augure d’ores et déjà que cette nouvelle ruée vers l’or d’un Brésil obsédé de croissance pourrait bien leur être fatale.

Les Indiens d’Amazonie avaient pourtant, à la faveur du retour à la démocratie (1985), reconquis un certain nombre de leurs droits. Dans la foulée, le Brésil a ratifié la Convention 169 des Nations Unies censée renforcer les prérogatives des peuples autochtones.

Toutefois, à rebours de ces importantes avancées, la modification du Code de la Forêt à la fin de l’année 2012, les actuelles discussions sur le Code des Mines conjuguées aux refus systématiques de la Présidence brésilienne à vouloir discuter du projet de barrage de Belo Monte avec les Indiens Kayapo (au mépris de la Convention 169) sont autant de signaux alarmants.

Le Brésil est en train de sacrifier la forêt et ses peuples sur l’autel de la croissance.

indiens-amazonie4Les données d’Imzon (une ONG chargée de quantifier la déforestation à partir d’images satellites) suggèrent que les récentes inflexions de la politique écologiste brésilienne ont une traduction immédiate dans l’intensification de la déforestation.

Si ces données se confirmaient, elles seraient à rebours de la tendance observée entre 2009 et 2012 où la déforestation est tombée à des niveaux historiquement bas.

Cette baisse sensible fut le résultat d’une plus stricte application des réglementations environnementales. Elle a ainsi démontré que le seul remède à la déforestation, c’est la volonté politique et la promotion du droit international.

Malheureusement, le droit international, qui devrait être l’armature de la communauté internationale, devient de plus en plus une coquille vide. Il est tout au mieux un exercice de rhétorique dont le principal mérite est de mettre en scène la nature schizophrénique des grandes nations dans un théâtre de bonnes intentions.

Mais dès lors qu’il est question de transcrire les grands principes évoqués en actions politiques contraignantes, il ne se passe rien. En témoigne les récents fiascos des conférences internationales sur le climat de Copenhague (2009) et de Rio+20 (2012).

Les envolées lyriques sur les droits de l’homme et l’environnement sont aujourd’hui d’un niveau de cynisme rarement atteint. On n’a en effet jamais constaté un si grand écart entre les déclarations d’intention des grandes nations et la réalité de leurs actions.

Plus grave, le non-respect d’une convention n’entraîne aucune sanction. Et un simple décret présidentiel suffit à annihiler les efforts de longue haleine des écologistes en plus de remettre en cause l’existence de certains peuples autochtones qui n’ont pas d’autre protection qu’un droit international moribond.

C’est ce qui se passe en ce moment dans le conflit qui oppose la comunauté du chef Raoni au projet de barrage de Belo Monte. Ce chantier se réalise au mépris du droit international (la Convention 169 de l’OIT) et des droits nationaux des Indiens du Brésil (Constitution de 1988).

La préservation de la forêt et des Indiens d’Amazonie est un problème de politique internationale.

Le Brésil, parce qu’il détient une immense part de ce trésor, est une pièce maîtresse de la solution. Mais il ne peut être tenu comme seul responsable du désastre en cours. Pour s’en convaincre, il suffit de s’intéresser aux multinationales et aux banques étrangères prêtes à investir dans le barrage de Belo Monte, dont le coût est estimé à plusieurs dizaines de milliards de dollars.

Cette immense manne financière dans une région marquée par la misère et le chômage, bien en retrait du boom économique que connaît le reste du Brésil, a d’ores et déjà entraîné la migration de dizaine de milliers de Brésiliens bien décidés à obtenir du travail du côté d’Altamira. Quoi qu’il en coûte.

 

Aussi, la faiblesse consubstantielle du droit international c’est qu’il ne nourrit ni le peuple ni les ambitions électorales des élus, davantage jugés sur leurs capacités à réduire la misère et le chômage de leurs électeurs que sur la préservation de l’environnement et le respect des droits d’une poignée d’Indiens d’Amazonie.

Pour concilier ces deux approches antinomiques, la novlangue moderne a inventé la notion opératoire de « développement durable ». Désormais, un bon élu labellisé « développement durable » c’est celui qui :

  • Attire de l’investissement afin d’exploiter les richesses de son territoire, dans le respect de règles environnementales généralement rédigées par les entreprises exploitantes.
  • Propose la création d’une nouvelle « réserve naturelle » dans des zones où les prospections minières n’ont rien données.
  • Offre la possibilité aux peuples autochtones de se « reloger » dans cette nouvelle « réserve naturelle » car, malheureusement, les terres qu’ils habitent depuis des temps immémoriaux se trouvent en plein cœur des projets d’aménagement du territoire.

Le drame des Indiens d’Amazonie et de l’écologie en générale, c’est de n’avoir su convaincre aucune des grandes puissances du monde.

Ainsi, au sein du Conseil de sécurité de l’ONU, on constate que les Américains n’ont même pas ratifié le protocole de Kyoto, les Chinois viennent de passer un accord commercial avec le Suriname qui promet de transformer la forêt primaire en ameublement pour leur classe moyenne en plein boom.

Même la France, qui détient pourtant une partie d’Amazonie au travers de la Guyane, n’a pas ratifié la convention 169 de l’OIT.

indiens-amazonie13Cette nation, si diserte dès qu’il est question de Droits de l’Homme, semble pourtant faire bien peu de cas du sort des Indiens d’Amazonie « française », littéralement décimés par la pollution au mercure de ses fleuves sauvagement orpaillés.

Comment ne pas s’offusquer de la recommandation de la Croix Rouge française qui, au lieu de dénoncer le scandale de l’empoisonnement des rivières orpaillées, a préféré proposer aux Indiens d’Amazonie Wayanas de changer de régime alimentaire ?

Mais d’où viennent les 200 tonnes de ce mercure mortifère rejeté annuellement dans le bassin amazonien depuis la fin des années 80 ?

D’une industrie pétrochimique brésilienne, basée à São Paulo et dont la vente du mercure engraisse les dividendes des actionnaires et génère quelques emplois mal payés.