Le barrage de Belo Monte, au cœur de l’Amazonie brésilienne, s’annonce d’ores et déjà comme l’un des plus grands désastres humains et environnementaux de la décennie.
Au delà de cette catastrophe déjà en cours, la rentabilité économique de ce projet pharaonique (dont on estime le financement entre 9 et 17 milliards de $US) paraît plus que douteuse. En effet, pour des raisons techniques, l’intérêt économique et énergétique de ce barrage n’a de sens que dans une logique d’ensemble, celle inscrite dans le PAC (Programme d’Accélération de la Croissance) qui prévoit l’établissement de 40 barrages d’ici à 2030. Aussi, pour que le barrage de Belo Monte soit rentable, 10 autres barrages devront être édifiés dans la région du fleuve Xingu.
Le barrage de Belo Monte cristallise la controverse parce qu’il est la pièce centrale d’un édifice qui promet de transformer en profondeur la physionomie de l’Amazonie brésilienne au profit exclusif des grandes métropoles du Sud du Brésil (Rio de Janeiro, São Paulo, etc.), qui vont capter l’essentiel de l’énergie produite par ce monstre de béton, le troisième barrage au monde (derrière Itaipu au Brésil et Trois-Gorges en Chine). C’est la dimension coloniale de ce méga-projet.
Les premiers à souffrir de ce projet sont les 30 communautés indigènes qui vivent le long du fleuve Xingu (dont les Kayapos, la communauté de Raoni). Mais au-delà des Indiens d’Amazonie, censés être protégés par les lois constitutionnelles et le droit international, c’est, comme nous le verrons, toutes les communautés indigènes du Brésil qui sont les victimes collatérales de ce projet pour lequel les lobbys des mines et de l’agro-business ont été particulièrement actifs.
Rappelons que le secteur agro-industriel c’est 1/3 du PIB du Brésil, 40 % de ses exportations, 30 % des emplois et qu’il doit sa croissance à un modèle de « développement » articulé sur d’importants investissements dans les infrastructures et des incitations fiscales pour convertir des vastes écosystèmes de forêts et cerrados formés sur des milliers d’années en pâturages mal exploités ou en monocultures sur des sols inadaptées, rapidement appauvris…
Quoi qu’il en soit, pour l’agro-business ou les mines, l’Amazonie est une frontière qu’il s’agit de repousser, les réserves de biodiversité une gêne au développement économique et les Indiens une minorité d’à peine 1 million d’habitants sur les 20 millions que compte l’Amazonie (et les 194 millions de Brésiliens).