Religion au Brésil aujourd’hui : le christianisme

La religion au Brésil se caractérise par une très grande diversité, largement dominée par les cultes chrétiens. La modernité a, pour l’heure, un impact assez inattendu au Brésil, en cela qu’elle ne s’accompagne pas d’une déchristianisation. En effet, selon le dernier recensement (2010), la part des athées et des agnostiques reste tout à fait marginale et ne représente guère que 0,4 % de la population.

Les Brésiliens restent un peuple profondément religieux :

La principale mutation de la religion au Brésil induite par la modernité est sans conteste la farouche concurrence au catholicisme par les évangélistes depuis au moins trois décennies. Alors qu’on comptait un peu moins de 8 millions de protestants-évangéliques en 1980 (6,6%) on en dénombre aujourd’hui plus de 42 millions (22,2 % de la population). A l’inverse, le catholicisme qui était la religion de 93 % des Brésiliens en 1960, de 89 % en 1980, n’atteint même plus les 65 % en 2010.

La puissante percée des pentecôtistes-évangélistes dans la religion au Brésil s’explique par une multitude de facteurs et notamment par le peu de combativité de l’Église catholique brésilienne à son égard. On note aussi l’opportunisme bien pensé de ces nouveaux mouvements religieux dont l’organisation des rituels est calquée sur le temps libre des travailleurs tandis que les formes du cultes sont orchestrées autour d’une émotionnalité exaltée ; ce qui est un peu le fond de commerce du catholicisme populaire brésilien, si peu romain :

religion-au2« En 1904 – exemple parmi d’autres – est érigée à Recife une statue de Notre-Dame de la Conception, sculptée à Paris à la demande de l’évêque. Si l’intention de promouvoir le culte parital est claire, certains effets de l’initiative sont pour le moins inattendus. Peu versés dans les subtilités théologiques du dogme de l’Immaculée Conception, le petit peuple du Pernambouc se charge vite de donner à la présence de l’image une signification bien à lui : la rumeur court que c’est à l’initiative d’un marin perdu en haute mer, sauvé du naufrage par la vierge qu’il avait implorée, que l’on doit l’édification du monument. Arrivé à terre, il se serait hissé « en nageant » au sommet de la première colline à l’horizon puis aurait fait construire l’image pour accomplir son vœu.

Depuis, chaque 8 décembre, pour la fête de Notre-Dame de la Conception, un certain nombre de fidèles, arrivés parfois de très loin, se traînent à genoux jusqu’au sanctuaire ; d’autres se flagellent et quelques-uns « nagent » le long des 240 marches de la colline pour finalement atteindre, ensanglantés, l’image de la Vierge, dont le sanctuaire croule sous le poids des ex-voto. On est bien loin de la piété intériorisée et retenue voulue par les promoteurs du culte ! »

Richard Marin, Histoire du Brésil 1500-2000, 2000, Fayard

 

religion-au4La religion au Brésil s’est développée jusqu’au tournant du XXe siècle sous la tutelle très exclusive et étonnement permissive de la couronne portugaise. Ce n’est qu’à la faveur de la séparation de l’Église et de l’État (1891) que le Vatican a pu procéder à une réorganisation de l’Église brésilienne en insistant particulièrement sur la formation du Clergé et en multipliant les structures ecclésiastiques du pays.

Toutefois, son action dans la religion au Brésil est restée largement cantonnée dans les grandes villes du littoral. Aujourd’hui encore, le Vatican n’a toujours pas réussi à éliminer les formes traditionnelles et populaires de religiosité, toujours très vivaces dans l’intérieur du pays et dans la région Nordeste (où la pénurie de clercs est toujours de rigueur).

Dans ces régions, le catholicisme populaire continue à accorder, au détriment des sacrements, une place prédominante aux dévotions, aux prières, au culte des images, aux fêtes et autres processions. Au grand damne des catholiques romains les plus orthodoxes. Les Brésiliens aiment la vie et s’en exaltent jusque sur les bancs de l’Eglise !

En cela, les pratiques religieuses du Nordeste, parce qu’elles sont chaleureuses et traversées de syncrétismes, sont des transcriptions assez fidèles de leurs perceptions de la vie, parfois un peu naïves. Mais ce n’est évidemment pas du goût de tout le monde et certainement pas d’un Vatican qui rêverait de faire du Brésil une vitrine du catholicisme mondial.

religion-au6Déjà, en 1931 l’Évêque de Ponta Grossa déclarait :

« la religion ne consiste pas en ces cortèges, nommés processions, accompagnés de lancers de fusées aveuglantes et assourdissantes. Il convient que l’on sache que c’est un douloureux outrage et une pitrerie sacrilège que de vouloir clôturer une fête religieuse par un bal et d’autres divertissements profanes et dangereux. Dans tous les cas, c’est au seul démon que l’hommage est rendu ; une telle religion qui se réduit aux extérieurs et aux apparences, qui n’alimentent que les sens sans pénétrer les âmes, n’est que du pharisaïsme ressuscité, si sévèrement fustigé par Notre Seigneur Jésus Christ »

 

Force est de constater qu’encore aujourd’hui, dans certains bourgs du littoral et de l’intérieur du Nordeste, l’assistance à la messe dominicale, temps fort de la religion au Brésil, n’est que le préambule à un dimanche bien arrosé sur la plage !

Les messes, à l’assistance très féminine, sont souvent farouchement chantées en chœur et finissent volontiers dans l’allégresse générale, à grands coups d’embrassades et de larmes de joies.

A la sortie de l’Église, où parfois les œillades amoureuses échangées entre deux cantiques se concrétisent déjà par un échange de numéros de téléphones accompagné de pieuses promesses, certains pratiquants se rassemblent devant l’épicerie voisine, chargent leurs bacs de glace et y entreposent quelques bouteilles de bières glacées avant de prendre la direction de la plage.

Encore une fois, on est bien loin de la piété sacramentelle et intériorisée que le Vatican rêve d’imposer à la religion brésilienne. A la limite, cet état d’esprit est bien plus à propos le lundi, moment de la semaine consacré par des millions de Brésiliens comme le « jour national de la gueule de bois » !

Enfin, si dans la religion au Brésil l’Église est le lieu privilégié de la piété féminine, les hommes ne sont pas pour autant moins religieux, bien qu’usant de forme différentes, davantage en accord avec l’image qu’ils ont de leur virilité.

Ils ont ainsi développé un goût particulier pour les pèlerinages longs et éprouvants avec toujours cette tentation du spectaculaire :

« Au matin du 29 septembre

 

[1998], le sapeur-pompier Pedro Guedes da Costa, 51 ans, est entré dans la ville de Juazeiro do Norte, à 580 kilomètres de Fortaleza, en traînant une croix de bois de près de 50 kilos […]. Depuis deux mois, Pedro a parcouru les routes qui relient sa ville, Caruarù, en Pernambouc, à Juazeiro, pour accomplir la promesse qu’il a faite au père Cicero. « Il m’a guéri de l’épilepsie et d’une hernie. » Pedro a enduré la solitude et la fatigue de la marche mais, pas un instant, il n’a songé à renoncer. « Je devais accomplir ce que j’avais promis ». »